Pourquoi un tel retard de diffusion du wc lavant ?
Au Japon, plus de 80 % des foyers sont équipés de WC lavants, un équipement devenu incontournable dans la vie quotidienne. Ce pays a d’ailleurs été le berceau de la première commercialisation de ce type de sanitaire, accessible à tous. Que l’on soit jeune ou âgé, avec ou sans handicap, homme ou femme, chacun possède un anus. Nous partageons tous le besoin universel de se soulager et de retrouver une hygiène irréprochable après un passage sur le trône. Ainsi, au Japon, le WC lavant s’est imposé comme une norme essentielle, un standard qui reste pourtant encore peu répandu dans le reste du monde, et particulièrement en France.
Le wc lavant est devenu le wc japonais
Un sanitaire qui propose un jet d’eau pour se laver les fesses après avoir déféqué devrait logiquement se nommer wc lavant par ceux qui l’utilisent. C’est le cas au Japon où les utilisateurs ne désignent pas leur sanitaire comme un wc japonais. Ils emploient le plus souvent le terme générique de Washlet (marque déposée par Toto) contraction des termes anglais Wash + Toilet (toilette lavante).
En France, où seule une infime proportion de la population a choisi d’équiper son foyer d’un tel Washlet, l’écrasante majorité des Français utilise le terme « WC japonais » pour désigner ce type de sanitaire. Ils perçoivent ces WC lavants davantage comme une curiosité exotique liée aux mœurs japonaises que comme une solution hygiénique moderne méritant d’être adoptée pour leur propre usage. Ce phénomène n’est pas limité à la France : dans les pays anglo-saxons, on retrouve également l’appellation « Japanese toilet » au lieu du terme plus descriptif « washing toilet ».
L’absence de diffusion du wc japonais en France
Les Français semblent rejeter l’innovation des toilettes lavantes, alors même que d’autres aspects de la culture japonaise ont su s’imposer depuis longtemps. Les aventures de Goldorak ont marqué des générations, les restaurants de sushis ont envahi nos rues, et le judo est un sport olympique pratiqué dans nos écoles depuis des décennies. De plus, chaque foyer possède au moins un équipement high-tech « Made in Japan », symbole du savoir-faire technologique nippon. Pourtant, le WC lavant reste perçu en France comme un « WC japonais », et la population continue à vouer un véritable culte à son traditionnel traditionnel papier.
Pourquoi un tel refus face à cette innovation ? La science offre des pistes pour répondre à cette question. Depuis longtemps, des modélisations théoriques ont étudié les problématiques liées à la diffusion des innovations dans une société.
Les théories de l’innovation
Une innovation se diffuse au sein d’un groupe social à travers un processus graduel qui touche successivement les différentes catégories de consommateurs. Les plus enthousiastes adoptent rapidement la nouveauté, tandis que les individus plus réticents prennent beaucoup plus de temps à accepter la technologie. Le smartphone en est un exemple frappant : les plus jeunes ont immédiatement adopté ce concept, alors que leurs aînés, dans un premier temps, ont souvent exprimé des réticences.
De nombreux facteurs influencent la rapidité d’adoption et de diffusion d’un nouveau produit dans la société. Ces facteurs peuvent être regroupés en deux grandes catégories :
- Les facteurs endogènes à l’innovation : Ils sont directement liés aux caractéristiques intrinsèques du produit, comme son utilité, sa facilité d’utilisation, ou son prix.
- Les facteurs exogènes à l’innovation : Ils proviennent de l’environnement dans lequel le produit est introduit, tels que les normes culturelles, les habitudes de consommation, ou encore les stratégies de communication.
Le modèle de diffusion d’une innovation
Pour qu’une innovation soit largement adoptée, elle doit d’abord convaincre les différents profils de consommateurs. Ces profils se répartissent en cinq grandes catégories, chacune ayant des attentes spécifiques. Ce processus suit une progression qui va des adopteurs précoces aux retardataires de la majorité avancée. Prenons l’exemple du smartphone : d’un côté, on trouve des consommateurs sensibles et enthousiastes face à la nouveauté, prêts à expérimenter dès sa sortie. À l’opposé, les consommateurs plus rationnels préfèrent attendre que la technologie prouve son efficacité et ses avantages en termes de performance. Les retardataires, quant à eux, franchiront le pas seulement lorsque la technologie sera devenue un standard adopté par la majorité.
En ce qui concerne les WC japonais, l’attente risque d’être longue. La sensibilisation à cette innovation reste insuffisante pour atteindre une masse critique d’utilisateurs. Les entreprises nipponnes travaillent depuis les années 1990 pour introduire les toilettes lavantes sur le marché nord-américain, soit plus de trente ans d’efforts pour convaincre les consommateurs d’adopter un simple lave fesses…
Un cycle de diffusion entre catégories
Il n’existe pas de continuité automatique entre les différents cycles de diffusion de l’innovation. Le passage d’une catégorie de consommateurs à une autre ne se fait pas de manière systématique. Ce phénomène crée une discontinuité dans le processus de diffusion, liée aux attentes inégales des différents profils de consommateurs. Ces derniers achètent un produit pour des raisons qui peuvent varier considérablement : cela peut aller d’un besoin réel et fonctionnel à une volonté de se démarquer ou de surpasser les autres, parfois par simple rivalité sociale.
Par exemple, une personne à mobilité réduite peut légitimement avoir besoin d’un WC japonais doté de nombreuses fonctionnalités électroniques pour faciliter son quotidien. À l’inverse, un consommateur peut décider d’investir dans un bloc WC lavant haut de gamme uniquement pour afficher son statut, surpassant ainsi un voisin qui aurait opté pour un modèle plus basique. Ce comportement se retrouve dans de nombreux domaines, comme celui des smartphones ou des voitures, où l’achat peut être motivé par des besoins pratiques ou par le désir de prestige.
Passer d’un marché de niche à un marché de masse
Le défi majeur dans la diffusion d’une innovation réside dans une zone critique que les anglophones appellent le « chasm », ou « abîme ». Cet abîme représente la transition délicate entre un marché de niche, dominé par les adopteurs précoces, et un marché de masse, constitué par la majorité avancée. Si les consommateurs innovateurs et les adopteurs précoces sont généralement faciles à convaincre grâce à leur curiosité et leur ouverture à la nouveauté, la majorité avancée, plus pragmatique, pose un tout autre défi. Leur prudence naturelle freine leur passage à l’acte d’achat, car ils attendent des références solides et des preuves d’efficacité avant de se décider.
Le concept du « wait and see » (attendre et observer) décrit parfaitement l’attitude de ces consommateurs attentistes. Ils ne se contentent pas de promesses marketing, mais recherchent des avis concrets et des démonstrations convaincantes. Alors, comment les persuader de l’utilité et des avantages d’un WC lavant pour susciter une envie d’achat ? Pourquoi acheter un wc japonais ?
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Les facteurs endogènes pour l’adoption de l’innovation du wc lavant japonais
Les caractéristiques intrinsèques d’un produit et les valeurs qu’il véhicule jouent un rôle central dans la vitesse de diffusion d’une innovation. Un marketing efficace doit donc introduire le produit de manière stratégique, en mettant en avant ses qualités et ses caractéristiques techniques de manière claire et persuasive. Dans le cas du WC japonais, l’avantage perçu par le consommateur français doit dépasser celui du papier toilette traditionnel. Cette perception dépend des besoins spécifiques de chaque groupe de consommateurs, qu’il s’agisse d’une nouvelle approche de l’hygiène, de l’abandon écologique du papier, ou encore du prestige social associé à l’adoption d’un produit innovant.
Les valeurs et habitudes préexistantes influencent fortement la rapidité avec laquelle une innovation est adoptée. Le WC japonais doit donc s’aligner avec les attentes du consommateur tout en introduisant de nouvelles pratiques nécessaires à son utilisation. Il est également crucial que l’innovation offre simplicité et facilité d’utilisation pour accélérer sa diffusion. Une toilette lavante ne doit pas nécessiter une prise en main complexe ou l’apprentissage de compétences spécifiques. Par exemple, un blocs wc électronique contrôlé via une tablette peut sembler plus intimidant à utiliser qu’un rouleau de papier toilette. En revanche, un abattant ou un kit lavant simple d’installation et d’utilisation peut séduire un public plus large en rendant l’innovation accessible à tous.
Difficultés de démonstration des qualités endogènes du wc japonais
La possibilité d’essayer un WC japonais pourrait grandement faciliter son adoption par les consommateurs. Cependant, il est évident que faire tester un produit aussi intime qu’une cuvette équipée d’un bidet intégré représente un véritable défi. Contrairement à d’autres innovations, le bouche-à-oreille ne suffit pas à dissiper les incertitudes liées à un sujet aussi personnel. Qui oserait, en effet, se vanter publiquement de se laver l’anus avec un jet d’eau ?
Le constat pratique des résultats est un facteur clé pour encourager une large diffusion de ce produit innovant. Mais là encore, la question de la démonstration pose problème : qui accepterait de montrer des preuves visibles d’une meilleure hygiène due au WC japonais ? Ce type de produit nécessite donc une approche différente, reposant sur une communication axée sur ses avantages pratiques et son efficacité prouvée, plutôt que sur des témoignages directs.
Certaines communautés, comme les musulmans, pourraient représenter une cible intéressante en raison de leurs pratiques d’hygiène qui privilégient le lavage à l’eau. Cependant, ces derniers semblent généralement s’en tenir à leurs méthodes traditionnelles, comme l’utilisation de l’eau à la main, ce qui pourrait limiter l’adoption d’un WC japonais sans un effort de sensibilisation adapté.
Les facteurs exogènes pour une vente de wc japonais
Ces facteurs ne sont pas directement liés à l’innovation elle-même, mais concernent l’environnement dans lequel le wc nettoyant doit s’intégrer. Ces éléments peuvent avoir un impact significatif sur la vitesse de diffusion de cette innovation japonaise. Ils sont également caractéristiques des produits de haute technologie, où la valeur perçue de l’innovation peut augmenter en fonction du nombre d’utilisateurs ou des services complémentaires disponibles. Ce phénomène, connu sous le nom d’effet de réseau, se divise en deux types d’externalités :
- Effets externes directs : Plus le nombre d’utilisateurs d’un produit augmente, plus la valeur de celui-ci croît pour les autres utilisateurs, facilitant ainsi leur adoption.
- Effets externes indirects : L’ajout de fonctionnalités ou de services complémentaires enrichit l’innovation et augmente sa valeur perçue. Par exemple, la possibilité de télécharger une application pour transformer un smartphone en télécommande pour un WC japonais constitue un atout supplémentaire qui renforce l’intérêt du produit.
Ces externalités jouent un rôle déterminant dans la manière dont une innovation s’insère dans un marché, particulièrement pour les produits technologiques comme les WC lavants.
Une possible diffusion des wc japonais en France ?
Si la valeur perçue de l’innovation qu’est le WC japonais dépend de nombreux facteurs complexes, il n’est guère surprenant que sa diffusion en France soit extrêmement lente. Le fossé culturel entre le Japon et la France semble trop important pour permettre un mouvement déclencheur à grande échelle.
Au cœur de ce décalage se trouve probablement une différence fondamentale dans les standards éducatifs liés à l’hygiène et à la propreté. Ces valeurs, profondément ancrées dans la société japonaise, ont contribué à l’adoption massive des WC lavants au Japon. En revanche, en France, ces qualités ne bénéficient pas du même niveau de sensibilisation ou de priorité dans l’éducation. Ce manque de standard commun sur l’importance de l’hygiène intime pourrait expliquer la résistance des consommateurs français à embrasser une innovation qui redéfinit leurs habitudes quotidiennes.